(22 mars 2017) Nous reproduisons ici l'intégralité de la lettre ouverte aux onze candidats à l'élection présidentielle 2017 transmise par Claude HOVHANESSIAN-GANDILLON, représentante du Collectif 100.000 handicapés psychiatriques à l’abandon.
« On estime que plus de 100.000 de nos compatriotes, majoritairement adultes mais aussi adolescents, souffrant de schizophrénie et autres troubles psychiatriques chroniques et/ou mentalement handicapées, ne trouvent pas de place dans un établissement de soins adapté, et donc ne sont pas (ou mal) soignés le temps nécessaire à leur (très incertain) rétablissement.
Faute de prise en charge, ces personnes, privées largement et irréversiblement de leur libre-arbitre, sont condamnées à un sort indigne.
Leur famille se brisant ou disparaissant, on les retrouve – sauf issue fatale – dans la rue, les gares, sous les ponts ou dans les prisons (déjà surchargées) : 60% des quelques 111.000 SDF « officiellement » décomptés, soit environ 65 à 70.000 personnes, et 50% de la population carcérale (près de 70.000 détenus) soit de l’ordre de 35.000 personnes sont des malades psychiatriques (sans compter nos 8.000 compatriotes, dont plus de 1500 mineurs placés en Belgique faute de places en France).
Le problème n’est pas insoluble. Il faut recréer dans chaque région française le nombre de places de soins longue durée nécessaire selon les besoins des patients, en encourageant (financièrement et administrativement) la création d’établissements de psychothérapie institutionnelle privés ou associatifs, ou de centres thérapeutiques pratiquant des techniques plus récentes de remédiation cognitive ou cognitivo-comportementales, et dont le coût de fonctionnement est moins élevé que celui de l’hôpital public (et même des établissements pénitentiaires modernes).
En effet, si l’on compare le coût journalier :
Il y a en outre certainement moyen de libérer des milliers de places de prison occupées par des « coupables d’être malades » et d’économiser en partie la création de nouvelles places carcérales et de réutiliser certaines des nombreuses friches laissées par les institutions fermées.
Parallèlement, il faut relancer la formation de psychiatres (30% de poste vacants en secteur public), de pédopsychiatres (il n’en reste que 650 en France) et d’infirmiers et infirmières spécialisés, et doter les établissements sanitaires ou médicosociaux existants des moyens nécessaires à leurs missions. Un quart de la population[5] a eu, a ou aura des troubles psychiques ou mentaux dans sa vie, c’est de loin l’affection la plus répandue et la plus mal dotée.
C’est donc un enjeu de santé majeur.
Ces 100.000 compatriotes, en raison de leur état, sont sans voix bien que disposant, pour la plupart, du droit de vote. Leur famille et leur entourage, en revanche, seront attentifs et extrêmement sensibles aux engagements pris sur ce thème.
Lettre ouverte signée par :
Monique PELLETIER
Avocate, Ancien ministre
Ancien membre du Conseil constitutionnel
Présidente d’Honneur du Conseil national handicap
Claude HOVHANESSIAN-GANDILLON
Ancienne Directrice du Label du Journal ELLE
Membre du conseil d’administration du CNHandicap
Ancienne Secrétaire générale de l’association Droit aux Soins et à une Place adaptée (DSP)
Docteur Roger SALBREUX
Pédopsychiatre, Membre du comité éthique et scientifique de la Fondation Internationale de Recherche Appliquée sur le Handicap (FIRAH), Ancien Secrétaire Général du Conseil national handicap, Enseignant à l’Association Internationale de Recherche scientifique en faveur des personnes Handicapées Mentales (AIRHM), Initiateur des Centres d’Action Medico-Sociaux Précoce (CAMSP)
Cette lettre ouverte a le soutien de (par ordre alphabétique, à la date ci-dessus) :
Personnalités du monde médico-psychiatrique :
Professeur Jean-Philippe BOULENGER
Professeur Emérite de psychiatrie d’adultes Université de Montpellier
Ancien chercheur associé à l’Institut national américain de santé (NIMH)
Ancien directeur de recherche à l’INSERM
Ancien professeur à l’Université de Sherbrooke (Canada).
Professeur Jean-Pierre OLIE
Académie nationale de Médecine
Ancien chef de service hospitalo-universitaire et chef de pôle au Centre hospitalier Sainte-Anne
Professeur Emérite à l'Université Paris-Descartes
Président de la Fondation Pierre Deniker.
Docteur Jean-Louis PLACE
Psychiatre
Médecin-chef et directeur de la Clinique de la Chesnaie à Chailles (41).
Docteur Christian GAY
Psychiatre
Cofondateur de l'association France Dépression, administrateur-fondateur de la structure de réinsertion Clubhouse France, auteur de plusieurs ouvrages sur la bipolarité dont Vivre avec des hauts et des bas et Vivre avec un maniaco-dépressif.
Personnalités du monde civil :
Docteur Xavier EMMANUELLI
Médecin
Ancien ministre
Fondateur du SAMU social de Paris
Président-fondateur du SAMU social International, Ancien président du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées.
Madame Claude FINKELSTEIN
Présidente de la Fédération Nationale des Associations d'usagers en Psychiatrie (FNAPSY), à l’origine de la création des groupes d'entraide mutuelle (GEM).
M. Paul JOLY
Architecte et urbaniste
Expert auprès de la Cour d’Appel de Versailles, Président du Conseil national handicap
Auteur notamment de L’Accessibilité positive, Une formidable opportunité sociétale et économique.
M. Philippe de LACHAPELLE
Chroniqueur radio
Directeur de la Fondation Office Chrétien des Handicapés (OCH)
Directeur de la revue Ombres et Lumière, vice-Président de Relais Lumière Espérance.
M. Patrick POIVRE D’ARVOR
Journaliste, écrivain et metteur en scène.
[1] 141.000 dont 30.000 mineurs, donc 111.000 adultes. Chiffres 2012 selon la Fondation Abbé Pierre (02/2015)
[2] En augmentation de 20 % en 5 ans.
[3] Selon les autorités wallonnes citées par Libération (25/4/2014). 140 établissements, en partie privés et à but lucratif, reçoivent exclusivement des ressortissants français, dans des conditions pas toujours dignes faute de contrôle (Libération, 27/10/2015), financés à hauteur de 70 millions € selon l’ANDEPHI, 170 millions selon Handicap.fr citant une « source parlementaire » + 200 millions de contribution des départements.»